GREVE DU LAIT – Pourquoi les producteurs meuglent ?
Certains producteurs de lait français et européens manifestent leur ras-le-bol de l’effondrement des prix en appelant à la “grève du lait”. L’action en forme de SOS pourrait pourtant vite tomber à plat si les contestataires ne sont pas suivis par la majorité de leurs collègues
(Rédaction internationale) – Les producteurs laitiers du Nord et de l’Ouest de la France avaient démarré la marche (AFP), certains exploitants européens ont suivi. L’appel à la grève lancé jeudi par deux syndicats minoritaires, l’association des producteurs de lait indépendants (APLI) et l’Organisation des producteurs de lait (OPL), a été relayé par le syndicat européen European milk board (EMB), qui représente 100.000 producteurs dans 14 pays. Près de 400 producteurs de l’UE s’étaient donné rendez-vous sur la pelouse des Invalides à Paris pour appeler à l’arrêt des livraisons aux laiteries.
Comment ça marche ?
La “grève du lait” est donc déclarée. Les producteurs laitiers contestataires proposent de continuer à traire les vaches pour que celles-ci ne tombent pas malade. Ils ne vendront en revanche pas le fruit de leur labeur. La production laitière sera alors offerte à des associations caritatives ou à des particuliers et le surplus sera jeté. Les exploitants prévoient également de faire “la grève des paiements” pour faire face aux charges qui les plombent, notamment pour l’alimentation des bêtes qui représente les deux tiers de leur budget.
Pourquoi ?
Les producteurs laitiers sont en pleine guerre du lait depuis le printemps dernier. A cause de la crise mondiale de surproduction et de la disparition annoncée des quotas par Bruxelles, les prix du lait se sont effondrés sur le marché. Les producteurs ont aujourd’hui beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Cette grève représente pour beaucoup le dernier espoir d’obtenir une régulation européenne. Les éleveurs demandent un prix minimum situé entre 350 et 400 euros les 1.000 litres. Le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, avait réussi à négocier en juin dernier l’établissement d’une fourchette de prix entre 260 et 280 euros en France (la plus élevée d’Europe) ainsi que des mesures d’aides nationales. Mais certains agriculteurs sont loin d’en être satisfaits. Le clou a été enfoncé lorsque le ministre français de l’Agriculture Bruno Le Maire n’a pas réussi, lundi, à obtenir de ses collègues de l’Union un accord sur les mesures visant à une meilleure régulation du marché proposées par Paris et Berlin
Quelles conséquences ?
Il faudra attendre demain mardi pour voir les effets de cette grève sur le consommateur. La pénurie de lait ou de yaourts dans les supermarchés n’est cependant pas prête d’avoir lieu. “Ce mouvement ne représente que 20 % des éleveurs français”, relativise l’Association des transformateurs de lait. La FNSEA rejette en effet fermement l’appel à la grève et beaucoup d’agriculteurs suivent son mot d’ordre. “C’est une aberration que de jeter le fruit de son travail”, estime Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA. L’effet boule de neige en Europe n’est donc pas assuré et beaucoup d’exploitants de l’UE, déjà très endettés, hésitent encore à se séparer gratuitement de leur production. “Nous prendrons notre décision la semaine prochaine au regard de ce qu’il se passe en France”, souligne Werner Locher, éleveur près de Zurich et secrétaire national du BIG-M, membre de l’EMB. La confédération paysanne qui soutient l’action n’appelle cependant pas ses membres à faire la grève. Selon des proches de l’organisation, sans ampleur européenne le mouvement de protestation est voué à l’échec et risque de mettre un peu plus en péril les agriculteurs y participant.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) vendredi 11 septembre 2009