Le lait coule dans les rues
Lancée jeudi soir à Ciney, en écho à un plus vaste mouvement européen, la grève du lait a débuté vendredi matin en Wallonie. Un peu partout, des agriculteurs se sont alignés sur le mot d’ordre du MIG, l’association de producteurs à l’origine du mouvement en Belgique, et ont renoncé à livrer leur lait aux laiteries.
Combien sont-ils ? Difficile à dire. Selon Xavier Delwarte, secrétaire général de la Fugea (la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs), ils seraient « plusieurs centaines » (sur environ 5.000 producteurs en Wallonie). Erwin Schöpges, représentant du MIG, se dit lui « tout à fait surpris : je ne pensais pas que le mouvement serait aussi bien suivi d’emblée ».
Les agriculteurs en colère, qui réclament un meilleur prix pour leur lait, ont aussi mené plusieurs actions dans les grandes villes wallonnes, afin de sensibiliser les consommateurs. Du lait a été distribué aux passants, notamment à Liège, où une trentaine de producteurs ont également déversé des bidons de lait dans une fontaine. A Charleroi, c’est sur la place Charles II, en face de l’hôtel de ville, que le contenu de plusieurs citernes a été répandu. Selon Erwin Schöpges, ce type d’actions, plus spectaculaires, est nécessaire pour attirer l’attention : « Il faut que le consommateur soit au courant. Il faut qu’il voie qu’on a besoin de lui. » Le MIG affirme que de nombreux producteurs grévistes donneront aussi leur lait aux particuliers qui viendront dans les fermes.
Environ 300 producteurs belges, allemands et luxembourgeois ont également bloqué l’autoroute E42 à hauteur de Saint-Vith. La route a été totalement fermée à la circulation, ici aussi après que du lait a été déversé sur la chaussée.
Du côté des laiteries, il est encore trop tôt pour évaluer l’ampleur de la baisse de production. A la Laiterie Coopérative de Chéoux (LCC), la direction se montrait prudente. Près de Rendeux, l’entreprise récolte le lait de mille producteurs, répartis en Wallonie et un peu en Flandre. Soit 750.000 litres par jour. « Nous avons reçu quelques coups de téléphone d’agriculteurs nous demandant de ne pas passer chez eux. Cela reste minoritaire, signale un cadre de LCC. Comme nous allons tous les trois jours dans les fermes, il est très difficile de mesurer l’impact de la grève, pour l’instant. »
Pas de pénurie
De son côté, la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), syndicat majoritaire qui ne s’est pas associé au mouvement, a redit qu’elle doutait de l’efficacité de la grève pour infléchir la politique des autorités européennes et obtenir un prix rémunérateur. La Fédération des entreprises de distribution (Fedis) n’a, elle, pas souhaité commenter directement la grève. Mais selon la porte-parole de la Fedis, Annemie Nijs, la grande distribution a pu se préparer, « ce qui prémunit les grandes enseignes et les consommateurs de tout risque de pénurie de produits laitiers dans les prochains jours ».
Dans les prochains jours, justement, les producteurs grévistes vont poursuivre leurs actions. « En fonction de ce qui se passera ce week-end, le mouvement pourrait même se durcir », prévient Erwin Schöpges, n’excluant pas le blocage des laiteries.
Dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie et la France, des agriculteurs ont également débuté une grève du lait, dont il est aussi difficile à l’heure actuelle d’évaluer l’ampleur.