Tribune du 16 février 2022
Vous voulez savoir vers quoi se dirige la production de lait ? Regardez vers le Sud-ouest !
De nombreuses communications ont entouré les annonces de Danone fin 2021, à propos de la fameuse reconversion de l’une de ses deux usines du sud-ouest au lait végétal.
La version officielle est on ne peut plus vertueuse. Selon le groupe, le marché des laits végétaux représente un bond de 50% d’ici 2025 et la conversion de l’usine de Villecomtal-sur-Arros permettra d’augmenter de 25% les capacités de Danone d’ici 2024. Les quelques 200 producteurs de lait qui livrent encore Danone iront donc livrer ailleurs… Si tant est qu’il leur soit encore possible de produire du lait !
Derrière les belles annonces
Le lait végétal est-il une telle opportunité ? Il y a-t-il déjà plus de consommateurs de lait d’avoine que de lait de vache ? Si cette tendance de consommation est bel et bien à la hausse, Adrien Lefèvre, président de l’APLI, se montre plus terre à terre : « en 2015, 470 producteurs approvisionnaient Danone pour 130 millions de litres de lait. En 2021, ils ne sont plus que 220 producteurs pour 67 millions de litres de lait. En 6 ans, près de la moitié des éleveurs qui fournissaient cette usine ont arrêté le lait. Cette conversion au végétal est avant tout un moyen de faire tourner l’usine alors que la matière première se raréfie ! » explique-t-il.
« Les industriels scient la branche sur laquelle ils sont confortablement assis. »
Derrière toutes ces cessations d’activité ? Des coûts de production très élevée et des prix payés trop bas aux producteurs par les industriels et les coopératives, qui font aujourd’hui face au retour de bâton avec un manque d’approvisionnement en lait. Comment reprocher aux éleveurs d’arrêter le lait : le sud-ouest présente l’un des coûts de production les plus élevés en France, liées aux conditions naturelles et climatiques, tout en subissant les mêmes augmentations de charge que partout ailleurs.
Adrien Lefèvre ne mâche pas ses mots : « les industriels et les coopératives feraient bien de faire un peu plus attention à leur attitude face aux producteurs lorsqu’ils négocient des prix en dessous des coûts de production. Quand il n’y a plus de paysans, il n’y a tout simplement plus d’usines. » Et d’avertir : « nous ne sommes pas dupes de ces communications qui aimeraient placer les industriels dans le rôle de sauveurs d’activité : ils ne sauvent qu’eux-même. Rien n’a été fait pour empêcher ces 250 producteurs de mettre la clé sous la porte ! ». On peut en effet se demander quel était l’intérêt de pousser à la modernisation et à l’augmentation des capacités des fermes, pour finalement les condamner à la faillite.
Et le reste du pays ?
Ce ne serait pas la première fois que le Sud-ouest annonce la couleur aux autres régions quant à ce qui les attend. Une tendance similaire est à noter un peu partout, en particulier dans le Centre et dans l’Est. Là aussi, les producteurs de lait abandonnent et les cheptels diminuent.
Un signal d’alarme que nous ferions bien, nous producteurs, à prendre en considération, et que les industriels et coopératives, Sodiaal en tête de file des opportunistes, feraient bien de ne pas déguiser aussi fièrement en « opportunités ».
Adrien Lefèvre
Président de l’APLI France