Boris Gondouin, producteur de lait à Stenay :

 “Il ne faut pas manger le voisin”

Boris Gondouin est éleveur de vaches laitières en Meuse. Engagé dans l’Association des producteurs, il défend le maintien de fermes à taille humaine et le regroupement des paysans pour négocier avec les industriels et les grandes surfaces.

Boris Gondouin s’est installé en 1996, avec son associé Gérald Rouvroy, en tant qu’éleveur de vaches laitières à Stenay (Meuse). Depuis, l’environnement économique de la filière a considérablement évolué. Et pas nécessairement dans le bon sens, selon lui. Le prix du lait a chuté. Les éleveurs de vaches laitières sont moins nombreux. À ses yeux, il ne faut pas produire plus que la demande afin de maintenir un prix stable susceptible de couvrir les coûts de production.

Vous avez les bottes pleines de boue, pourtant vous n’étiez pas auprès de vos vaches. Que faisiez-vous ce matin  ?

Nous sommes en train de préparer un bâtiment pour la méthanisation. Cela permettra de revaloriser les effluents, et de les transformer en gaz. Cela ne produira pas de particules fines. Nous allons pouvoir alimenter la ville de Stenay à 60  % l’hiver et 100  % l’été.

Est-ce que vous allez vous agrandir par l’occasion ?

Non, on fait juste des travaux dans nos bâtiments. Depuis notre installation en 1996, nous ne nous sommes pas beaucoup agrandis en comparaison avec d’autres exploitants. Nous sommes passés de 150 hectares à 210. Nous n’avons pas voulu reprendre des fermes à droite et à gauche. Nous avons choisi de sécuriser l’avenir de l’exploitation et de ne pas bouffer le voisin.

Cela ne vous intéresse pas de croître davantage ?

Au début, si. Les agriculteurs et nos professeurs nous répétaient qu’il fallait « un  plus gros cheptel, une plus grosse ferme… ». Plus pour gagner plus, mais cela s’est avéré faux.

Pourquoi ?

L’explosion de la production a fait baisser le prix du lait. En 2003, les politiques et les dirigeants du syndicat majoritaire, c’est-à-dire la FNSEA et la COPA-COGECA au niveau européen, ont jugé que les quotas laitiers étaient néfastes. Avant de les arrêter définitivement en 2013-2014, ils ont progressivement donné la possibilité aux éleveurs de produire davantage. Selon eux, le lait produit en excédent de la demande européenne serait exporté, vers la Chine notamment. De mon côté, j’ai tout de suite compris que l’exportation allait faire baisser les prix. Car les quotas permettaient de coller à la demande. Cela n’a pas loupé. En 2009, les éleveurs pouvaient produire 20  % de plus. Le lait s’est vendu à 22 centimes le litre contre 35 en 2003.

Aujourd’hui, par l’intermédiaire de Faire France, une marque à laquelle vous appartenez, vous vendez le lait 45 centimes le litre. Pourquoi le prix est-il supérieur à celui de 2003 ?

Le coût de production a augmenté. Maintenant, il faut compter la main-d’œuvre tandis qu’avant, les exploitants travaillaient avec des membres de leurs familles. De plus, tout est plus cher : le mécanicien, le carburant.

La loi Egalim a été promulguée en novembre. Elle est censée permettre la juste rémunération des producteurs. Vous n’en êtes pas satisfait ?

Pas du tout, les supermarchés devaient rogner sur leurs marges pour rémunérer les agriculteurs. Finalement, on voit augmenter les prix. C’est le consommateur qui trinque.

Qu’aurait-il fallu faire, selon vous ?

Il faut se regrouper en organisation de production, pour négocier avec les acheteurs. On détient le produit, si tout le monde main dans la main dit « Vous n’aurez pas notre lait », les supermarchés seront obligés de s’aligner. Nous ne sommes pas contre les grandes surfaces, car nous avons besoin de revendeurs. Nous voulons juste des prix rémunérateurs. Le problème vient de nombreuses coopératives qui font l’intermédiaire entre les éleveurs et les magasins. Elles cassent les prix. Seules des coopératives à taille humaine, comme les petites fruitières et les CUMA (coopératives d’utilisation du matériel agricole), font des prix pour les paysans car elles sont gérées par des paysans.

Elisa CENTIS

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